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26 avril 2012

C'est-à-dire ?

Alors que je me faisais faire un brushing digne d'une star de cinéma des années 50 (je vis très mal le fait qu'il n'ait duré que 24h. La séparation fut douloureuse), et après une question de la coiffeuse sur mes projets de vacances, elle a enchaîné en me demandant ce que je faisais.
"Sous-titreuse."
"C'est-à-dire ?"
Et là, je me suis trouvée bien con.

J'ai hésité une fraction de seconde à lui dire toute la vérité.

"Alors, quand j'arrive au travail, je vais voir mes collègues qui attribuent les programmes, je me mets à genoux, je pleure et je les supplie de me donner du travail. Là, elles regardent leur base de programmes et l'une d'entre elles me dit 'Je n'ai rien. Je peux te donner un Amour, gloire et beauté.' Je fais comme si j'étais contente et je retourne dans mon bureau tout au fond du couloir où on m'oublie tout le temps. Là, j'ouvre le logiciel. Je regarde la vidéo et au fur et à mesure, quand quelqu'un parle, je dis au logiciel 'Là, tu commences le sous-titre.' Quand le personnage arrête de parler ou qu'il y a un changement de plan, je dis au logiciel 'Halte là, manant, arrête-moi ce sous-titre'. Ensuite j'écris dedans 'Je t'ai trahi, j'ai couché avec ton fils' ou 'Ce n'était pas moi, c'était mon jumeau maléfique', selon le thème du jour. Et je continue jusqu'à ce que mort s'ensuive le programme soit fini. Quand j'ai fait ça sur tout le programme, on pourrait croire que j'en suis débarrassée. Mais non. Il faut que je regarde tout le programme en entier avec mes sous-titres et que je me rende compte en voyant mes fautes que, des fois, je ne sais vraiment pas écrire. On appelle ça la simulation.

Sinon, d'autres fois, quand je suis chez moi, je reçois des mails de ma-copine-en-Inde-qui-a-un-si-joli-prénom-même-si-au-début-je-croyais-que-c'était-un-prénom-de-mec pour me dire 'Hé, tu veux pas passer 3h à regarder les sous-titres d'une autre série merdique en plus de ta journée de travail ?' Alors je le fais, parce que dans mon travail, ça s'appelle du contrôle qualité et c'est payé 9 $ le programme de moins de 40 minutes."

J'avais mal dormi, elle avait presque fini le brushing et je doute que ma réponse l'aurait captivée plus que ça de toute façon.

Alors, j'ai juste dit :
"Euh, je sous-titre des programmes pour la télévision."

Et j'ai fait la fille fatiguée qui n'a plus envie de parler et qui se perd dans la contemplation de ses cheveux méconnaissablement beaux et brillants. (Ce qui était de toute façon assez proche de la réalité.)

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