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8 février 2012

Où je monologue sur la traduction.

Je suis traductrice et sous-titreuse. C’est mon métier. J’ai fait 5 ans d’étude et 7 mois de stage pour ça. J’ai traduit des dizaines de textes sur la sclérose en plaques, les flux financiers, la portance en aéronautique et tant d’autres sujets passionnants pour ça.

Je ne sous-entends pas que c’est la seule façon de le devenir. Ce que je veux dire, c’est que c’est effectivement un métier, avec des normes, des tarifs, des standards de qualité, des exigences, des compétences, des difficultés, des techniques.
Pas un hobby, pas un truc qu’on fait à l’arrache, comme ça pour le fun, pas de l’amateurisme, ni de l’à-peu-près.

Déjà, la traduction, ce n’est pas la maîtrise d’une langue étrangère.

A la rigueur, il s’agit plutôt de maîtriser sa langue maternelle. Une langue étrangère, on peut toujours en trouver le sens. Le restituer correctement, précisément et fidèlement dans la langue cible, c’est autre chose.

La traduction, c’est une souplesse d’esprit, une capacité à manier les mots et à réfléchir. Pas forcément vite, mais efficacement. Donc, quand on me demande de traduire quelque chose en s’attendant à avoir une réponse immédiate, ce n’est généralement pas possible. Me regarder comme si j’étais demeurée n’accélérera pas les choses, je te détesterais juste un peu voire beaucoup et la colère n’a jamais fait traduire plus vite.

Traduire, ce n’est pas faire de l’à-peu-près. Sauf cas précis de termes très techniques, ce n’est pas laisser un mot en anglais parce qu’on ne trouve pas trop comment le traduire. Ce n’est pas transcoder littéralement un jeu de mots et expliquer pourquoi il est drôle en langue source entre parenthèses.

Être traducteur, c’est s’effacer derrière le message et son auteur. On attribue le crédit au traducteur mais il ne se voit pas.

En soi, je n’ai rien contre le fansubbing. Tant mieux si ça rend un service. Tant mieux si ça permet à tout le monde d’avoir accès à des séries génialissimes avant qu’elles soient diffusées en France (et oui, je suis la première impatiente de devoir attendre mes séries préférées sur les écrans français, mais c’est comme ça, traduire une série, la doubler surtout, ça prend énormément de temps. On n’imagine pas à quel point c’est long tant qu’on n’a pas essayé.)

Mais voilà, ça influence forcément les attentes des téléspectateurs quant au sous-titrage. Les fansubbers sont rapides, certes, mais tout le monde peut constater que la qualité est inversement proportionnelle à la rapidité avec laquelle les sous-titres sont en ligne.

Alors, excusez-moi si une petite part de moi meurt un peu chaque fois que je vois des sous-titres envahir l’écran avec des explications inutiles, des fautes d’orthographe, des erreurs de traduction absolument impardonnables, des inconsistances, quand j’entends se plaindre que « Quoi, les sous-titres ne sont pas encore sortis ?» 24 h après la diffusion américaine d’un épisode.

La vérité, c’est que toutes les boîtes qui commandent des sous-titres ont des normes. Des normes précises et contraignantes. Des normes techniques nécessaires à la bonne lecture des sous-titres. Ces normes, je vis et je travaille avec. J’ai fait 2 putains de mémoire avec.  J’ai fait des partiels avec. Tous les jours, je me casse la tête pour faire rentrer des longues tirades, des jeux de mots, des blagues, la vie des orques et des débats dans 2 lignes de 35 caractères avec une lisibilité de 12 caractères par seconde. C’est rien. C’est si peu. Ca n’a rien à voir avec le débit oral d’une personne normale.

Bien sûr, tout ça, on ne peut pas le savoir. Moi la première, je ne l’ai appris qu’au fur et à mesure de mes études. La traduction n’est pas un monde qu’on connaît bien si on n’est pas en contact direct avec des traducteurs personnellement ou professionnellement. Ça ne me dérange pas de réexpliquer la même chose régulièrement quand on me pose des questions ou qu’on s’étonne de ce que je dis. Ce qui me dérange, c’est qu’on suppose des choses et qu’on me juge parce que je ne pratique pas mon métier comme on s’y attendait.

Je pourrais écrire encore 3 fois la longueur de ce monstre pour évacuer tout ce que j'ai à dire sur la traduction et le sous-titrage, mais je m'arrêterai là.

Et si tu es arrivé jusque-là, je t'en félicite et t'en remercie. Tiens, pour te récompenser, une photo de Martin Freeman ou de chatons selon tes préférences.



Tu peux même cliquer pour agrandir. Sinon ça sert à rien.

3 commentaires:

Antoinette a dit…

Et Martin Freeman avec des chatons dans les bras c'était pas possible ? Je te jure ces traducteurs... ;)

Miss Terre rieuse a dit…

Moi je choisi les chatons ! Pour l'instant Martin Freeman je connais pas trop encore... J'ai tout lu ! ... Mais pas tout compris dans les détails ... Y'a une goutte qui a fait déborder le vase pour que tout ça se déverse ?

Arielle a dit…

Désolée si tout n'est pas clair, je me suis *un peu* emballée.

En fait, l'article était commencé depuis un petit moment et en ce moment, j'essaie de finir tous les trucs que j'ai en cours. Et je suis aussi tombée sur une vidéo fansubbée qui m'a énervée. Et je cherchais un sujet d'article autre que Sherlock Holmes...