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19 avril 2013

L'homme est un loup pour l'homme, ou Le Repas des fauves

Tout à l'heure, quand j'ai dit à ma mère que j'allais au théâtre ce soir, après avoir entendu que la pièce s'appelait "Le Repas des fauves", elle m'a fait remarquer :
"Oh, ça doit être dur, non ? Avec un titre pareil, ça se passe pas pendant la guerre ou quelque chose comme ça ?"

Ne sachant de la pièce que la date et l'horaire puisque j'avais pris ma place à l'ouverture de la billetterie l'été dernier et le choix de pièces étant limité à Montrouge, j'ai simplement répondu qu'elle passait au centre culturel de Montrouge donc qu'elle devait être tout public.

Une fois de plus, on voit bien que le cerveau de la famille, ça n'a jamais été moi et que ma mère (comme beaucoup de monde) a bien plus de jugeote et de logique que moi.

La pièce se passe pendant l'occupation. Au cours d'un dîner d'anniversaire réunissant sept amis, deux officiers allemands sont abattus sous les fenêtres de l'appartement où ont lieu les festivités. Un des officiers de la Gestapo qui a aussitôt investi l'immeuble donne deux heures aux occupants (ce jeu de mot est bien involontaire) des lieux pour désigner parmi eux deux otages en rétribution du meurtre. S'ensuit alors une descente aux enfers où ceux qui se disent amis s'abaissent à tout, vraiment tout, pour tenter de sauver leur peau. Les caractères se dévoilent, les petites lâchetés deviennent des grandes, on, pense qu'il est impossible de tomber plus bas et on se trompe toujours. Le pire, c'est probablement qu'on rit. Pas seulement, bien sûr. On tremble beaucoup aussi et la plupart du temps, on attend et on guette celui qui flanchera, celui qui cèdera et peut-être, se sacrifiera. Mais assez régulièrement, oui, on rit. Et pas seulement au début, quand les personnages sont toujours insouciants, bien trop pour une période de guerre d'ailleurs, qu'ils sont là pour célébrer et qu'ils s'amusent. Non. On rit de l'absurdité de la situation, des tentatives de plus en plus cyniques, malsaines de condamner les autres pour ne pas mourir, des bassesses que peut atteindre l'homme acculé, des révélations qui fleurissent, on rit parce qu'on ne peut pas faire autrement, pour mettre de la distance entre eux et nous, parce qu'on ne veut pas être comme eux.

On rit parce que ce n'est jamais très agréable de se retrouver face à soi-même.

"Je préférerais être un nazi vivant qu'un Français mort."

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